La nuit, je mens...

Entre imagination active et principe de réalité

 

 

"Je suis un vrai petit garçon !"


 

Selon la répétitivité de l’expérience, une relation telle que vécue par l'enfant peut être ressentie comme une forme de harcèlement.

 

 

« Ce qui importe, ce n’est pas tant de guérir, c'est avant tout de se sentir compris. »

 

Carl Rogers

 


Le mensonge est un ultime recours, d’une stratégie de survie face à une situation psychologique insoutenable, il apparaît comme la seule voie d’issue « normale » à ce moment-là : l’enfant se protège, certes, mais se retrouve finalement piégé en n’ayant d’autre choix que de renier une partie de ce qu'il éprouve, donc, de ce qu'il est.(temps 1)

 

C'est là où le praticien centré sur la personne peut agir, car qu’en restera-t-il trente ans plus tard, l'enfant devenu adulte (temps 2) ?

 

Le mensonge est classiquement considéré comme obéissant au principe de plaisir, afin d’éviter un déplaisir, mais un enfant peut aussi mentir pour réagir contre l’intrusion, le contrôle...

Le manipulateur n'est pas toujours celui qu'on croit, et il se peut même qu'il croit bien faire.

 

Le mensonge ne doit pas être considéré systématiquement comme un symptôme car il y a des degrés dans les mensonges, petits ou grands, passagers ou persistants, mais bien souvent, il exprime la souffrance.

 


 

Le cadre bienveillant de la psychothérapie (pour enfants et adultes)

 

ainsi que la considération positive inconditionnelle du praticien

 

permettent d'accompagner ces difficultés relationnelles en douceur, à VOTRE rythme.

 


« La vérité joue un rôle aussi déterminant pour la croissance de la psyché que la nourriture pour la croissance de l’organisme. Une privation de vérité entraîne une détérioration de la personnalité » Wilfred Bion (1965)

 

Cette vérité énoncée ou recherchée par l’enfant est méconnue par l’adulte : soit on ne l’écoute pas et on ne le croit pas ; soit on lui dit qu’il ment ou qu’il affabule.

 

L'adulte lui aussi possède ses propres défenses, et le déni, la projection peut en faire partie...

 

 

« Pauvre gosse dans le miroir,

tu ne me ressembles plus,

pourtant tu me ressembles.

C’est moi qui parle.

Tu n’as plus ta voix d’enfant.

Tu n’es plus qu’un souvenir d’homme,

plus tard.»

Louis Aragon

 

"C'est l'articulation entre le mensonge des adultes et le développement d’une personnalité qui ment chez l’enfant : l’enfant constate le déni des adultes et en tire ses propres conclusions avec son imagination enfantine.

 

L'enfant cherche qui il est, et quelle est son histoire personnelle et la fiction vient à son secours pour faire le récit que les parents ne sont pas en mesure de faire.

 

Confrontés à l'ignorance, les enfants comblent "les blancs" par une biographie imaginaire et ils ont besoin d’entendre des histoires (vraies) à propos de leur histoire, car, si les parents n’effectuent pas cette mise en récit, les enfants y procéderont par eux-mêmes, d'une façon plus ou moins réaliste."

 

La "vérité menteuse" chez Lacan

 

 


Si nous regardons le mensonge comme une stratégie pour s'adapter, et ce, 
sans juger son origine, nous pourrons mieux comprendre ses causes souvent transgénérationnelles et/ou intergénérationnelles et leurs conséquences.

Progressivement, par étapes, nous cesserons alors de nous y enliser.

 

« Les faits sont toujours nos amis » disait Carl Rogers

 

« J’ai l’impression d’avoir mis du temps à me rendre compte que les faits sont toujours mes amis. Chaque fois qu’un fait s’impose, dans quelque domaine que ce soit, on fait un pas vers la vérité. Et aucun mal, aucun danger, aucun malaise ne peut jamais naître de la proximité de la vérité. » 

Randin, Jean-Marc. « Éditorial », Approche Centrée sur la Personne. Pratique et recherche, vol. 2, no. 2, 2005, pp. 3-5.

 


Un exemple concret : comment on fait les bébés ?

Il s'agit de respecter ce qu'un enfant est en mesure d'entendre et de comprendre.

 

De nombreux livres adaptés et certains objets transitionnels (voir Winnicott) permettent aux parents d'aborder la question avec sérénité s'ils ressentent le besoin d'un support éducatif.

 

La personne qui ment cherche la bonne personne à qui il peut dire ou demander une vérité.

 

Ainsi plutôt que de voir dans le mensonge une expression psychopathologique, on en vient parfois à constater que le mensonge est l’expression d’une vérité, ou qu'il est, plus précisément, une manière de faire advenir la vérité.

 


Le temps des réparations

Avec cette prise de conscience vient le Temps 3, celui de la réparation, et de la résilience 

 

JE deviens acteur de ma conduite sans me sentir ni victime ni coupable.

 

Alors, la "vraie" personnalité peut enfin commencer à éclore.

 

 

Comment aborder ce sujet avec un enfant ? Avec les contes bien sûr...

 

 

Et pourquoi pas grâce à la philosophie ? !

 

Source principale : Mentir pour dire vrai, un article de Simone Korff-Sausse, maître de conférence à Paris VII  (texte intégral)

 

Leçon sur le mensonge par Patrice Bégnana, professeur de philosophie 

 

Leçon sur le mensonge

 

Le mensonge consiste non pas à dire ce qui est faux car il n’est pas l’erreur, qui est involontaire.

Il n’est pas non plus la fiction même si elle est volontaire car elle exclut la tromperie.

 

Il consiste à faire croire que ce qu’on exprime – éventuellement par le silence – on le pense vrai alors qu’on le pense faux, que ce qu’on croit soit vrai ou faux.

 

Ainsi peut-on dire la vérité tout en mentant comme le personnage de la nouvelle de Sartre, Le Mur (1939) : Pablo Ibbieta, sympathisant anarchiste, est interrogé par des franquistes et menacé de mort. Il ment : Juan Gris, qu’il est accusé d’avoir caché, est dans un cimetière selon lui. Entre temps, Juan Gris s’est effectivement caché dans le cimetière où il est tué à cause du mensonge.

 

Le mensonge est souvent condamné pragmatiquement comme dans la fable de Phèdre (14 av. J.-C.-50 ap. J.-C.), Le loup et le renard jugés par le singe dont la morale est : « Quiconque s’est fait connaître par de honteux mensonges perd toute créance lors même qu’il dit la vérité. » (Fables, I, 10).

 

Il est également condamné moralement car il implique de faire passer son intérêt avant celui des autres, voire contre les autres, de ne pas les respecter.

 

La religion le condamne.

Le péché n’a-t-il pas pour source le menteur par excellence ? Selon l’Évangile de Jean, (8 : 44), le diable « est menteur et le père du mensonge ».

À l’inverse, l’homme qui a la foi est le témoin de la vérité (ce que signifie étymologiquement martyre ; grec “marturos”, “μάρτυς/-υρος”) capable d’endurer les pires peines pour montrer la foi qui est en lui.

Et pourtant, on peut tout aussi pragmatiquement considérer que le mensonge est parfois efficace, soit à titre individuel, soit du point de vue politique. Et l’on accuse les jésuites, hommes de religion, de ne pas avoir interdit le mensonge dans leur casuistique qui use de la restriction mentale.

 

On voit dans le Dom Juan de Molière le personnage principal en user pour ne pas faire comme s’il acceptait le duel que lui propose Dom Carlos, le frère d’Elvire. Cet exemple de restriction mentale qui permet de se battre en duel se trouve dans la septième lettre des Provinciales de Pascal. Peut-on leur donner entièrement tort ?

 

A-t-on jamais vu un homme ne jamais mentir, voire un homme qui n’a pas heurté, blessé, nui aux autres en disant la vérité ?

 

Le mensonge n’est pas la fiction.

 

D’une part, elle se présente comme telle, y compris comme fiction de la vérité comme dans ses romans épistolaires où un préfacier explique que les lettres prétendument trouvées ont été inventées (par exemple, Les Liaisons dangereuses de Laclos).

 

D’autre part, il s’agit de représenter le vraisemblable pour le donner à connaître. Il est vrai que Platon a condamné une certaine fiction comme l’ont fait après lui nombre de théologiens au nom d’une intransigeance vis-à-vis de la vérité. Mais cette condamnation porte toujours sur une fiction soupçonnée d’être finalement mensongère.

 

Platon chasse les poètes de sa « cité de beauté » (République, VII, 527c) si et seulement s’ils ne se conforment pas à sa théologie comme certains religieux rigoristes ont condamné les fictions dans la mesure où leur représentation des passions est séductrice et donc trompeuse du point de vue moral.

 

Ainsi le janséniste Pierre Nicole (1625-1695) dans son Traité de la comédie (1667) condamne-t-il dans le théâtre de Corneille l’exaltation de la gloire et donc de l’amour de soi-même, péché pour le christianisme. Autrement dit, la représentation plaisante du vice est déjà un vice. Tel serait le mensonge des fictions.

 

Or, il est clair que ce mensonge n’est pas condamnable en tant qu’il est connu comme mensonge. Il peut au contraire être valorisé comme un instrument de purgation (catharsis) des passions comme Aristote, dans la Poétique (chapitre 6), l’a soutenu. Et ce mensonge en réalité est bien plutôt la présentation d’une vérité : celle de ce que les hommes peuvent faire.

 

Il faut donc examiner la prétendue immoralité du mensonge. On peut s’appuyer sur Kant, qui, dans son article, Sur un prétendu droit de mentir par humanité (1797), a soutenu qu’il était immoral de mentir quelle que soit la situation. Il reprend un de ses exemples, à savoir le devoir de véracité qu’on doit à un assassin dont on sait qu’il veut tuer quelqu’un et qui demande où il se trouve.

Benjamin Constant lui avait reproché un tel exemple en arguant de la contradiction des devoirs puisqu’il est moral de ne pas être un complice de meurtre. Il donnait notamment l’exemple d’une femme qui avait recueilli un fugitif. Il la dénonça. Il fut gracié et elle brûlée vive pendant la révolution anglaise.

La réponse de Kant est double. D’une part, il établit en inventant différents scénarii que mentir ne conduit pas nécessairement à sauver la victime et dire la vérité au meurtre. Il peut se faire qu’en mentant je guide le meurtrier (ce que Sartre reprend dans sa nouvelle Le mur) ou je puis dire la vérité et avec les voisins neutraliser l’assassin. D’autre part, il pose que le devoir moral y compris juridique implique de refuser toute exception, sans quoi il perd son caractère obligatoire. Si donc je mens et qu’il y a meurtre, je suis coupable selon Kant. Par contre si je dis la vérité et qu’il y a meurtre, je suis innocent.

 

C’est ce dernier point qui est pour le moins discutable. Une morale purement déontologique, c’est-à-dire qui ne considère que la pureté de l’intention sans tenir compte des conséquences des actes, n’est pas de ce monde. Sans la foi, elle est inhumaine.

Si je suis responsable des conséquences de mes mensonges, je suis tout autant responsable des propos véridiques qui sont les miens.

 

Il paraît alors préférable à l’instar de Schopenhauer dans Le Fondement de la morale (1840) de considérer le mensonge comme une arme légitime pour se défendre des malfaiteurs, voire des malveillants. C’est en ce sens que le mensonge en politique paraît tout autant légitime s’il a pour but de se défendre.

 

Il est vrai qu’il conduit à diminuer la confiance dont l’utilité est capitale dans les relations sociales. John Stuart Mill plaidait à juste titre pour un usage limité du mensonge dans L’utilitarisme (1863) aux cas où il s’agit d’éviter un malheur. Il calculait que plus on ment, voire on se trompe, plus on diminue la confiance. Le mensonge est donc nuisible à l’humanité.

 

Reste que les hommes ne supportent pas toujours la vérité. Comme ce prisonnier de la caverne de Platon, au début du livre VII de La République, qui veut retourner à ses anciennes illusions, les hommes manquent du courage de la vérité.

 

Or, ce courage de la vérité consiste finalement à reconnaître que dans le monde tel qu’il va,

il n’y a pas de règle absolue pour doser la quantité de mensonges qu’on peut administrer individuellement comme politiquement.

 

 

 

"Le passé évolue continuellement,

mais rares sont ceux qui s'en aperçoivent." 

 

 

Frank Herbert

L'Empereur-Dieu de Dune